mercredi 2 mars 2011

Bonjour ou bonsoir...

Photo : Kader KADA

HAMOU est né à Sidi Bel Abbès en Algérie. Il fait ses débuts de chanteur avec le groupe « The Youngers », dont certains membres créeront des années plus tard « Raïna Raï ». Il interprétait un répertoire le rythme and blues et rock composé de chansons d’Otis Redding, des Rolling Stones et des Beatles.

Il s’installe définitivement à Paris en 1973 et découvre la chanson française portée par l’après mai 68. « La première fois que j’ai écouté « Il n’y a plus rien » de Léo Ferré, nous dit-il, j’ai pris une telle claque que j’ai rangé toute velléité à devenir auteur. Il m’a fallu trois ans pour reprendre un peu confiance en moi et me remettre à écrire ».

En 1981, il réalise un premier album Un paradis de gadgets dans lequel il décrit déjà l’Algérie d’un œil critique. Marie-ange Guillaume dans le Monde de la Musique écrit à son propos :

« La réalité algérienne », comme on dit, sous une lumière crue. L’Algérie flouée, après comme avant l’indépendance. La « traversée », éternel mythe de l’Eldorado entretenu par ceux qui en reviennent avec de sacs de chez Tati et « un paradis de gadgets dans la tête. L’enfance dans le sang, pour un rêve de liberté aussitôt massacré. « Trois mille ans de trouille militaire ». La ville presse-paumés, Marylin-Ginette et son « Hollywood à trente balles l’entrée », d’autres visages de femmes, salies, perdues, rendues folles. Toutes les grimaces, tous les avatars de l’oppression vous rentrent dans le lard avec la violence des mots sans camouflage… »

En 1983, pour son deuxième album, Un p’tit bout de tendresse on pouvait lire par la plume de Richard Canavo dans le Matin de Paris :

« Attention tous ! Voilà un personnage, un vrai, dérangeant, sidérant, un personnage nouveau, dans la chanson ou il faudra bien qu’il creuse son trou, si ce métier a la moindre logique. Hamou, c’est un type qui crache sa rage et ses dégoûts, ses fureurs et ses peines.

... Sur des textes stupéfiants de puissance et de vérité, sur des musiques rock-funk qui balancent son mal être, Hamou, c’est un Lavilliers qui aurait rangé sa frime au vestiaire, un Bashung qui aurait trouvé de l’inspiration. Et quelle inspiration ! C’est auprès des loubards, des smicards et autres taulards, auprès des camés et des clochards, c’est dans la misère et la peur qu’Hamou va puiser ses images chocs, c’est dans bas-fonds d’un univers obscur qu’il flashe ses obsessions.

... Il y a là-dedans une authenticité qui ne trompe pas : cet homme-là qui chante si bien les maudits, ne fait pas, ne fera jamais de compromission. »

En 1989 Hamou avec Mahamad HADI réalise Le temps file dont les textes sont des morceaux de vie ordinaire. Un album enraciné dans le Maghreb, dans le béton, dans Paris la nuit. Une chanson française rock avec des arrangements et des rythmes inspirés des musiques maghrébines : hédaouïa, raï, kabyle et châabi, andalou...

En 1996, dans Caméra, Hamou chante des histoires qui sont parfois l’écho d’une tourmente. Celle de l’Algérie résonne, parmi d’autres, en petits combats intimes. Il y a aussi des histoires d’amour dont sa «Caméra » attentive recueille les reflets : le pas des femmes qui en traverse le champ sensible, dans Paris, ou ailleurs y laisse une empreinte lumineuse, ou assombrie. Il y a dans tout l’album un battement rock comme une porte ouverte sur la rue elle aussi battante pour nous inviter à écouter Hamou et le groupe Zadig.

En 1998, un single Quand je s’rai grand Hamou nous emmène sur les routes d’Afrique. Le chant griot d’Aïssata Kouyaté nous introduit dans des terres où des enfants chantent et dansent le rêve du départ « vers des soleils clandestins, sans papiers et sans rien »…

Hamou, dans Contretemps reprend dans sa langue maternelle trois titres du répertoire traditionnel kabyle, dont Azger yaaqel gmas et Terwi Teberwi de Slimane Azem (1916-1983). Ce chanteur fabuliste très populaire en Kabylie, a eu ses disques interdits de vente en Algérie et fut banni des ondes nationales jusqu’au « chahut de gamins » de 1988.

Eric Amah, compositeur et réalisateur, a écrit pour la circonstance des arrangements rock pour ces chansons écrites au début des années soixante et qui restent d’une actualité brûlante.

En effet, dansAzger yaaqel gma-s, Slimane AZEM dénonce le clanisme, déjà érigé en Algérie comme système politique prévalant sur la conscience de classe. Il nous raconte la fable d’un bœuf (Azger) qui se remémore avec nostalgie les jeux de l'enfance partagés avec son frère. Dès l'adolescence, leur vision du monde a divergé. A l'âge adulte, au désespoir de leur mère, ils prirent chacun un chemin opposé.

Azger croisera sur sa route un congénère originaire d’un autre pays. Ils ont connu la même histoire et sont de la même condition sociale. Ils deviennent compagnons de labour et nouent leur amitié autour de la lutte qu’ils vont mener pour améliorer leur existence.

Ainsi la chanson Azger yaqel gma-s dénonce le lien du sang, lorsqu'il est reconnu dans une société comme l'unique déterminant de la fraternité. La fraternité authentique, revendique Slimane Azem, est celle qui est éprouvée auprès des compagnons de peine et de classe.

A travers Terwi Tebberwi (C’est le chaos), se profile la guerre froide, ses alliances contre-nature et le désenchantement des peuples colonisés au lendemain de leur « indépendance ». Se dessine alors en filigrane l’Algérie, avec la course au pouvoir des opportunistes de tout bord et le cortège de désillusions de tout ceux qui ont cru à l’avènement d’une société juste.

La troisième chanson, Mmektighd ayen iaadane (Je me souviens) est signée par la chanteuse Anissa : une belle chanson d’amour d’une femme séduite et abandonnée mais qui tourne dignement la page d’une histoire qui s’achève.

Mon enfanceDihya et Ile aux trésors, parues dans des albums précédents, ont été traduites par Ben Mohamed, auteur de quelques-uns des plus beaux poèmes kabyles contemporains dont la chanson A vava inouva. Ces trois titres sont devenus, avec de nouveaux arrangements, : Temzi-w, Dihya et  Tigzirt n’sser.

Comme dans Quand je s’rai grand, la voix de Caroline Pascaud-Blandin a su aviver l’émotion particulière de chacune de ces chansons.

HAMOU parachève cet album sur deux lueurs d’espoir. Dans le long poème les Mille et une nuits, il rêve de démocratie et de son peuple qui moissonne « des gerbes de blé, de paix et de vie ». Et enfin dans « Né Kabyle » c’est tout simplement son identité qu’il chante et revendique.

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