samedi 1 janvier 2000

Dihya ou l'Algérie

Dihya et ses quatre garçons vivaient
Dans la montagne allergique au blé
Dans la plaine ils ne pouvaient pas aller
Depuis que le colon s'est installé

Le père mort à la deuxième guerre
Pour la France ce pays plein de plaines
Leur a laissé quelques figuiers
Sur une terre aussi dure que la haine

Trois sont partis vers la Casbah
Le dernier vers les poubelles de la France
Dihya attendait un sourire un mandat
Rien. Juste le poids du silence

La révolution a éclaté
Les gens voulaient chasser le colon
Mourir en prison ou mourir de faim
Autant mourir les armes à la main

Trois frères sont revenus à la montagne
Le maquis grondait. Fini le calme
Ils espéraient avec leurs rêves armés
Sécher la source du napalm

Hier les avions vers les oliviers
Ont largué des bombes toute la journée
Ca ne s'est arrêté que le soir
C'était un abattoir

Ce matin les paras en colère
Ont sorti Dihya à coups de crosse :
« Viens salope ! Dis nous si tu les connais !»
Dans la rue trois cadavres. Ses trois gosses

Pourvu que le dernier reste en France !
Loin de la mort dans ses poubelles
A ceux qui partaient elle disait :
Cachez lui cette nouvelle

La guerre n’était pas au Pays
Y'avait Octobre à Paris
Le corps du dernier dans la Seine
Et à Dihya la même rengaine

Que lui reste t-il de la guerre ?
Juste une pension de misère
Qu'elle touche après deux jours de queue
En retard, sous un soleil de feu

Eté comme hiver elle est dehors
Elle pleure. Elle rit. Plus une parole
Les gens disent : « elle couche chez les morts »
Et qu'elle est devenue folle.

© Copyright 1978

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