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samedi 1 janvier 2000

Le téléphone

Je regarde le téléphone
Comme si je regardais une femme
J'attends qu'il sonne
Un coup de fouet
Un coup de came

J’attends ta voix qui me fera chavirer
Qui m'emmènera à la dérive
Qui me dira viens ou j'arrive
Même si un désert nous séparait

Tu m'as dit : « tu ne donnes pas assez
Avec toi je ne peux pas m'engager. »

« Engage toi et on fera l'amour
Sinon j'aurai honte du jour
Pour le moment restons amis. »
Et moi direction rue Saint Denis

Je regarde le téléphone
J'ai envie de le casser
Éteindre cet espoir qu'il me donne
Sécurité. Liberté

Je ne peux plus supporter
Ce fil de l'amitié PTT
Je vais le couper
Il faut que je m'en sorte
Allô ! Ouvre moi ta porte

Copyright © 1990

Retour au pays

Des immigrés se bousculent au port de Marseille
Dans des voitures flamboyantes
Ils emmènent dans leur tête
Un paradis de gadgets

Des malles pleines de choses pour frimer
La radio et la télé couleur
Pour voir en noir et blanc
Les trous dans les poumons

Les malles pleines de vêtements synthétiques
Achetés à Barbès à bon marché
Frappés de "Made in France"
Dans la merde c'est une référence

A cause de toutes ces conneries
Plein de gamin du soleil du désert
Rêvent d'un bistrot d'un flipper
Et d'un Nanterre éclairé au Nucléaire

Ceux qui sortent des grandes écoles
Deviendront là bas des idoles
Pour faire bien ils causeront argot
Créeront un cercle d'anciens parigots

Ils s'inviteront en couple
S'appelleront "Monsieur Madame"
Ils passeront des soirées Léo
L'Anarchie en stéréo

Leurs Françaises resteront sur le quai
Ah ! qu'est ce qu'ils ont pu se marrer
Elles étaient bonnes pour l'entraînement
La décision pour le mariage, c'est à maman

A cause de toutes ces conneries
Plein de gamin du soleil du désert
Rêvent d'un bistrot d'un flipper
Et d'un Nanterre éclairé au Nucléaire

Les femmes fardées comme à Pigalle
Retourneront là bas sous leur voile
Elles gardent dans leur tête
Un paradis de minettes

Ce paradis qu'un slogan
Peint sur un mur sale dégueule
Cet espoir fou de l’Occident qui crève
Sous une pub tout seul

Des HLM d'énergie s'effondrent à Marseille
Se bousculent pour prendre la galère
Qui les emmènera enfin
Vers le soleil des hommes éteints

Moi j’ai perdu ma route les frères…

Copyright © 1977

Mon enfance

Quand j'étais enfant
Je chassais des grenouilles
Dans un ruisseau puant
Où ruisselait la misère
Avant de les tuer
Je pensais aux légionnaires
Ces paumés payés pour faire la guerre

La légion infâme
Crucifiait les enfants
Violait les femmes
Que les hommes bannissaient
Les hommes contre le mur
Les bras en l'air priaient
Pour ne pas succomber sous la torture

Je m'accrochais à la vie
Armé simplement de mon enfance
Mes espoirs s'appelaient indépendance
Où est tu indépendance ?

Ce matin gisait un homme
Dans une flaque de sang
Sur la route de l'école
Pas loin de la maison
J'ai eu un diplôme : celui de la peur
C'est ça le monde des hommes
La bêtise et l'horreur

En classe j'ai raconté
Ma trouille aux copains
Le maître m'a frappé
A la tête avec ses clefs
Du sang s'est mélangé
A ma morve et mes larmes
J'en ai peint tous mes cahiers

Je m'accrochais à la vie…


Les parents affolés
Par les "événements"
Pour un chuchotement
On se prenait une correction
Dehors les militaires
Nous couraient derrière
Je n'ai pas demandé à venir sur terre

Quand quelqu'un
Se faisait assassiner
Les gens disaient dans le quartier :
« lui au moins il a la paix »
Les maisons étaient devenues des cimetières
L'O.A.S. mitraillait les convois funéraires

Je m'accrochais à la vie…

Un maître qui se disait mon frère
Est venu en 62 du Moyen Orient
Il a rouvert les plaies
Des maîtres de l'Occident
Ses fusils sont braqués
Prêt à donner la mort
A ceux qui refusaient
La couleur de son passeport

Je m'accroche toujours à la vie
Armé simplement de mes chansons
Mes espoirs n'ont pas changé de nom
Où es-tu indépendance ?

© Copyright 1976

Ma fille

J’avais une fille qui ne voulait pas
Porter le fardeau de sa mère
Sa famille l’a condamnée
Le village l’a achevée

Elle ne voulait pas vivre comme ses sœurs
Laver les pieds d’un homme
Elle l’a toujours vu le faire
Elle a refusé le joug de son père

Elle a refusé d’enfanter
Pour un homme qu’on lui aura choisi
Elle a refusé un souteneur
Qui sera son dieu
Qui piétinera ses douleurs

J’avais une fille qui s’est révoltée
Contre un monde d’hommes abrutis
Je voudrais la revoir pour une caresse
Mais du village elle est bannie

Derrière elle la horde de la morale
A voulu la guérir de sa folie
« Reviens nous saurons te pardonner
Ne déshonore pas la famille »

Les gens l’ont enfoncée
« C’est une putain » disent-ils
Dès qu’elle a vu la mer se donner
Sans un bruit elle s’en est allée

Ma fille rêvait du monde de l’égalité
Elle a refusé ici qu’on l’emprisonne
Ma fille espérait de l’autre côté
Elle est en prison dans l’hexagone

Copyright © 1976

Les nègres

Je regarde vers le Sud de mes souvenirs
Vers le soleil de la famine
Vers le soleil des fosses communes
Où s'entassent des Noirs
Morts parce qu'ils sont noirs

Des milliers de nègres crèvent en Ouganda
Les crocodiles sont bien nourris
Dans les bistrots on rit de Idi Amin Dada
Le sang chilien est à la mode à Paris

Des milliers de nègres crèvent en Rhodésie
Tous les best-sellers s'apostrophent
Ils drainent leur négritude dans les fusils
La mort grimpe. Les ventes aussi

Mes larmes vont s'évaporer
Sur la ligne de feu du Dieu Soleil
Où des petits noirs le ventre gonflé
N'attirent même plus la charogne

J'aurais voulu que mes larmes soient abondantes
Pour irriguer ces terres
Pour que la vie revienne
A ces enfants vieux de naissance

Les yeux de ces enfants malades
Sur les affiches dans le métro
Qui mendient la gamelle du prolo
« T'aurait pas un grain de riz en trop ? »

J’aurai beau chialer
Ça ne servira à rien
De toute façon le soleil
Se lèvera encore demain
Sur le Sud de ma mémoire.
Sur ces charniers bidonvilles

Des milliers de blancs crèvent en Occident
D'alcool, d'overdose, d'ennui
Quand l'homme a envie de vivre
On lui enlève les moyens
Quand l'homme a les moyens de vivre
On lui tue l'envie.

Copyright © 1978